Hausse de l’inflation, hausse des taux, risque de pénurie de gaz cet hiver : plusieurs facteurs pèsent sur l’économie européenne. Au point que le risque de récession est désormais significatif.
L’été se termine à peine, mais les esprits sont déjà tournés vers l’hiver. La crise énergétique, démarrée il y a près d’un an, est plus que jamais au centre de l’attention. Le recul des livraisons de gaz russe en Europe de l’Ouest fait non seulement craindre un risque de pénurie cet hiver, mais aussi un maintien des cours du gaz naturel à des niveaux d’ores et déjà stratosphériques. En août, les prix du gaz ont ainsi dépassé le seuil de 300 EUR/MWh en Europe, soit environ 20 fois leur niveau d’avant-crise. Ce phénomène se répercute sur les prix de l’électricité, entretenant un solide mouvement inflationniste (+9,1% sur 12 mois en août). En conséquence, la BCE a pris un virage à 180 degrés et combat désormais cette inflation via la hausse de ses taux directeurs.
Europe : des perspectives économiques en berne
En perdant le soutien de la BCE et en s’apprêtant à subir un renchérissement du crédit bancaire, l’économie européenne fait face à un risque notable de récession. L’Europe est pourtant parvenue à se maintenir en croissance depuis le début de l’année malgré l’impact de la guerre en Ukraine. Le PIB de la zone euro a ainsi progressé de 0,6% au T1 2022, puis de 0,8% au T2 (Eurostat). Nul doute cependant qu’un arrêt total des livraisons de gaz russe serait fatal à cette croissance lors des prochains mois : certains pays, comme l’Allemagne, devraient alors mettre à l’arrêt certaines de leurs usines non essentielles. La crainte d’un tel scénario est reflétée par l’indice IFO du climat des affaires en Allemagne : celui-ci est retombé à son plus bas niveau depuis août 2009, si l’on omet le choc lié aux confinements de la crise sanitaire. Même en l’absence de pénuries de gaz, la hausse des taux de la banque centrale pourrait suffire à stopper la croissance européenne.
En France, la situation est un peu moins sombre pour deux raisons. D’une part, l’État a opté pour une politique interventionniste en absorbant une grande partie de la hausse des prix de l’énergie. Si le fardeau de la dette publique en est accru, au moins peut-on se féliciter d’être l’un des pays d’Europe où l’inflation reste la plus basse (5,9% sur 12 mois en août selon l’INSEE). Par ailleurs, la France est relativement peu dépendante du gaz russe et a réussi à reconstituer de solides stocks de gaz au cours de l’été. Le risque de choc économique est donc moindre pour cet hiver, mais les perspectives restent orientées à la baisse. La Banque de France attend désormais une croissance située entre -0,5% et +0,8% en 2023, admettant qu’une récession pourrait se profiler.
États-Unis : une récession d’ores et déjà entamée
Les craintes économiques ne concernent pas seulement l’Europe, mais aussi les États-Unis. Techniquement, la patrie de l’Oncle Sam est déjà entrée en récession, avec un repli de l’activité de 1,6% au T1 2022 et 0,6% au T2, malgré un taux de chômage toujours très bas, à 3,7%. Aucun soutien n’est à attendre de la Fed : Jerome Powell a répété sa détermination à vaincre l’inflation, assumant d’éventuelles conséquences négatives pour la croissance. La banque centrale américaine considère que l’économie est déjà au plein emploi et se concentre désormais sur sa mission de stabilité des prix. La barre est aussi haute qu’en Europe : malgré un léger repli depuis son pic à 9,1% en juin, l’inflation américaine reste élevée (8,3% en août). La Fed continuera donc de remonter ses taux directeurs à un rythme soutenu, probablement de 75 points de base à l’occasion de ses prochaines réunions. Un renchérissement du crédit aux entreprises et aux particuliers est donc à attendre des deux côtés de l’Atlantique, pesant inévitablement sur le niveau d’activité.
La croissance s’essouffle dans la plupart des pays du monde
Dans le reste du monde, les perspectives économiques restent tout aussi fragiles. En 2008-2009, le dynamisme chinois avait permis de contrebalancer la récession occidentale. Cette fois-ci, le salut ne viendra pas de Chine, dont l’économie reste pénalisée par la politique zéro-Covid. Le PIB chinois s’est ainsi replié de 2,6% au T2 2022 face au trimestre précédent, notamment sous le poids du secteur immobilier. La Turquie affiche quant à elle une inflation exceptionnelle de 80% sur 12 mois. La Russie, devenue un État paria, subit une récession de 4,3% en glissement annuel selon les statistiques mensuelles nationales arrêtées au 31 juillet. Seuls certains pays conservent une économie bien orientée, comme le Japon, où la croissance reste solide (+3,5% en glissement annuel) et où l’inflation est modérée (+2,6%), ou encore l’Inde, qui conservait en début d’année 2022 une solide reprise post-Covid après une année 2021 lourdement impactée par le variant Delta.