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Le risque politique, menace sérieuse pour les marchés ?

Le suspense entoure les élections françaises de 2022, et avant cela les élections fédérales allemandes de septembre 2021 où sera désigné le successeur d’Angela Merkel. Face à la montée de nouveaux courants politiques, les marchés risquent-ils d’être à nouveau chahutés ?
Le risque politique est un sujet bien connu en Europe. Entre crise grecque et Brexit, l’actualité a parfois donné des sueurs froides aux investisseurs ces dernières années. Depuis 2020, le risque politique a été occulté par la crise du Covid-19 et le soutien économique massif qui en a résulté. L’approche de nouvelles échéances électorales ravive néanmoins le sujet.
France : le cas des partis « anti-système »
En France, une question taraude les esprits : que se passerait-il sur les marchés en cas de victoire d’un parti « anti-système » aux élections présidentielles de 2022 ? Ce scénario, qui n’est pas le plus probable, ne peut être exclu, en particulier vis-à-vis de l’importance prise par le Rassemblement National dans les sondages et les marges d’erreur associées à ces chiffres.
Pour répondre à cette question, rappelons que pour gouverner, un parti doit disposer d’une majorité à l’Assemblée Nationale, éventuellement via une coalition. Le scrutin législatif aura lieu en juin 2022 : ce sera lui qui, dans un tel scénario, confirmerait ou infirmerait l’éventuelle victoire d’un candidat anti-système à la présidentielle. Les partis relevant de cette approche restent jusqu’à présent peu représentés à l’assemblée, ceci étant dû au mode de scrutin. Sauf évolution majeure (éventuelle adoption de la proportionnelle), la constitution d’une majorité en 2022 emmenée par un parti anti-système semble un scénario peu probable à ce stade. Si une majorité se formait autour de partis plus traditionnels malgré l’élection d’un candidat d’extrême droite ou d’extrême gauche à la présidence de la République, la cohabitation se traduirait par un gouvernement opposé au président. Le pouvoir serait alors entre les mains du Premier Ministre, tandis que le rôle du Président serait uniquement cantonné à la représentation de la France à l’étranger.
Reste à envisager un scénario défiant les pronostics, aboutissant à une Assemblée Nationale emmenée par un parti anti-système. Y aurait-il un danger pour les investisseurs ? Un tel scénario provoquerait très probablement une certaine volatilité, aussi bien sur les marchés actions que sur les marchés obligataires (dette française notamment).
Pour autant, plusieurs choses sont à noter. Tout d’abord, dans le cas du Rassemblement National, il est utile d’observer que le parti a éliminé de son programme les mesures économiques les plus radicales qui le caractérisaient jusqu’alors (sortie de l’Union européenne, retour au franc). Le même parti n’envisage pas non plus de faire défaut sur la dette française (« effacer la dette Covid »), sujet sensible pour les marchés. Enfin, quelle que soit la majorité au gouvernement, l’économie française restera dépendante de la politique monétaire de la BCE qui, depuis la crise du Covid-19, offre un soutien considérable à l’ensemble des pays de la zone euro pour assurer une reprise forte et le maintien de taux très bas. La stratégie de la BCE sur le plan économique pourrait, à court terme, rester plus forte et plus influente sur les marchés que les choix politiques d’un seul pays au niveau national. En ce sens, le risque politique français semble à ce stade très faible pour les investisseurs.
 
Allemagne : la révolution verte ?
En Allemagne, les interrogations politiques sont d’un autre ordre. Les partis anti-système restent bas dans les sondages. Les interrogations économiques concernent davantage la montée des Verts (Die Grünen), dont le programme prévoit une politique industrielle plus encadrée et potentiellement moins dynamique que celle prônée par la CDU d’Angela Merkel. À titre d’exemple, l’automobile allemande, secteur stratégique laissé très libre par les conservateurs, pourrait faire l’objet de réglementations plus strictes pour une transition énergétique accélérée, aussi coûteuse soit-elle.
Faut-il s’en inquiéter dans une optique d’investissement ? La réponse, là encore, est négative. L’Allemagne étant un Etat fédéral, les Verts participent déjà à des coalitions gouvernementales dans certains Länder, aussi bien avec la CDU qu’avec le SPD. Leur programme politique est construit autour d’un axe simple : démontrer que la croissance économique est compatible avec une approche plus respectueuse de l’environnement. Contrairement aux idées reçues, les Verts allemands ne sont pas adeptes de la décroissance. Fondé en 1980 autour de principes altermondialistes, le parti a désormais abandonné cette rhétorique pour promouvoir une économie à la fois « forte et verte », mettant l’accent sur l’innovation.
De part et d’autre du Rhin, le risque politique des prochaines élections s’avère donc en réalité très faible pour les marchés financiers. La présence de contre-pouvoirs et l’indépendance de la BCE devraient permettre de trouver, quels que soient les résultats électoraux, des compromis sains pour l’avenir de l’Europe.