C’est un tournant majeur après deux années de hausse des taux : depuis le mois de novembre, ces derniers connaissent un repli rapide.
Cette tendance a été accentuée par le virage pris par la Fed, qui a confirmé son intention de baisser son taux directeur à plusieurs reprises l’an prochain.
Pas plus tard qu’en octobre dernier, les taux souverains continuaient de grimper et dépassaient des niveaux record, soutenus par le discours très strict de Jerome Powel lors de la réunion de la Fed du 20 septembre. Il était alors question d’un maintien prolongé des taux à un niveau élevé (« higher for longer »). Sur les marchés, les taux souverains avaient alors grimpé, en particulier sur les
maturités longues. Les taux français à 10 et 20 ans avaient respectivement dépassé 3,6% et 4% le 4 octobre. Aux États-Unis, le rendement des Treasuries à 10 ans avait dépassé les 5% le 23 octobre.
Cet épisode, pourtant récent, semble déjà lointain, tant la psychologie des marchés a évolué en quelques semaines. À l’origine de ce renversement de situation : des chiffres d’inflation de plus en plus modérés, notamment en zone euro où l’inflation sur 12 mois est tombée à 2,4% en novembre. Aux États-Unis,
l’inflation a également poursuivi son repli pour atteindre 3,1%. L’inflation « core » (hors énergie et produits frais) s’affiche également en net recul des deux côtés de l’Atlantique.
6 baisses de taux attendues en 2024 pour la Fed et la BCE
Dès le mois de novembre, les marchés ont donc commencé à anticiper un assouplissement de plus en plus rapide de la politique monétaire des banques centrales. Ces anticipations ont été confirmées par les discours jugés « accommodants » de la Fed et de la BCE les 13 et 14 décembre derniers.
La Fed, par la voix de son président Jerome Powell, a en effet annoncé sans détour que ses hausses de taux étaient désormais terminées et que ses membres avaient commencé à « discuter d’un calendrier des baisses de taux » en 2024. La banque centrale américaine envisage à ce stade 3 baisses de taux
de 25 points de base chacune l’an prochain. Le consensus de marché va plus loin et anticipe 6 baisses de taux de la Fed l’an prochain pour revenir à un intervalle de 3,75-4,00% (contre 5,25-5,50% actuellement), avec une première baisse dès le mois de mars 2024 (données issues du baromètre CME FedWatch au 15
décembre).
De son côté, la BCE n’a pas fait d’annonce relative à un futur assouplissement de ses taux directeurs, mais a révisé ses prévisions d’inflation en baisse, ce que les marchés ont interprété comme un premier pas avant de suivre le même mouvement que la Fed. Les investisseurs anticipent un comportement de la BCE
identique à celui de la Fed l’an prochain, avec 6 baisses de taux de 25 points de base chacune, dont la première surviendrait en mars (données extrapolées des dérivés de taux au 15 décembre). À plus long terme, les marchés anticipent actuellement que la BCE abaissera son taux de dépôt jusqu’à 2% fin 2025, avant une remontée progressive.
Quelle attitude adopter face à la baisse des taux ?
Ce bouleversement des anticipations s’est traduit par un fort repli des taux sur les marchés obligataires. La courbe des taux français affiche désormais des rendements à terme d’environ 2,6% à 2 ans, 2,3% à 5 ans, 2,5% à 10 ans et 3% à 20 ans (au 15 décembre 2023). Soit une baisse généralisée d’environ 100
points de base (1%) sur toute la courbe des taux face aux points hauts d’octobre.
Malgré des rendements désormais moins élevés, les taux proposés par les comptes à terme, permettent actuellement de compenser partiellement l’inflation à court terme, voire de la surcompenser de manière significative si celle-ci venait à poursuivre son repli. À titre indicatif, les prix du gaz ont chuté de 30 à 40% en Europe depuis le mois d’octobre et le Brent s’est replié d’environ 20% depuis septembre, ce qui devrait encore participer à un apaisement de l’inflation lors des prochains mois.
On notera que les fonds monétaires offrent actuellement un fort surplus de rendement face à l’inflation, avec un taux €STER à 3,9%. Celui-ci est voué à diminuer au fur et à mesure des baisses de taux de la BCE attendues l’an prochain. Mais même si ce taux devait tomber autour de 2% dans les deux ans à venir, il semble probable qu’un tel choix d’investissement permettrait de compenser l’inflation d’ici-là.
Enfin, dans un contexte où la baisse des taux n’est probablement pas terminée, il semble toujours pertinent de sécuriser des rendements à leurs niveaux actuels, tout particulièrement si les marchés finissaient par retourner progressivement à leur niveau de 2021 à l’avenir, autrement dit que l’inflation redevienne quasi- inexistante et que les taux courts redescendent en-dessous de 2%…