Empêtrée dans une crise immobilière dont elle ne parvient pas à s’extraire, la Chine peine à conserver son statut de « moteur de l’économie mondiale ».
De prime abord, tout va bien en Chine. Le pays a enregistré en 2023 une croissance de 5,2% d’après le Bureau national des statistiques de Chine. Et pour 2024, le gouvernement s’est de nouveau fixé l’objectif d’atteindre une croissance de 5% ou plus. Des chiffres certes inférieurs aux 7% qui prévalaient il y a une dizaine d’années, mais toujours nettement supérieurs à la croissance américaine ou européenne.
Une crise immobilière plus que jamais d’actualité
Derrière ces bons chiffres se cache toutefois une réalité plus mitigée. Depuis trois ans, le pays n’arrive pas à s’extraire de la crise immobilière dans laquelle il est embourbé. En 2021, lorsque le numéro un des promoteurs immobiliers chinois, Evergrande, s’était retrouvé en défaut de paiement, le problème pouvait sembler passager dans un contexte exceptionnel marqué par le Covid-19. Or, malgré un déconfinement de longue date, les difficultés liées au secteur immobilier continuent de s’accumuler. Après le défaut de paiement du promoteur Country Garden en 2023, le groupe Zhongzhi, spécialisé dans l’investissement en immobilier, a déposé le bilan début 2024, croulant sous une dette de 64 milliards de dollars. Fin janvier, Evergrande a également été placé en liquidation judiciaire : le démantèlement du géant de l’immobilier s’annonce particulièrement complexe en raison des 300 milliards de dollars de dettes portées par l’établissement.
Pourtant, les prix de l’immobilier chinois sont presque stables depuis deux ans. En 2022, ils avaient reculé d’environ 1,5% d’après le Bureau national des statistiques. Et en 2023, ils auraient reculé de seulement 0,4% d’après la même source. En revanche, les volumes de transaction sont en chute libre. Au T3 2023, le nombre de transactions en Chine était en repli de 23% face au T3 2022. De même, les mises en chantier étaient en recul de 22% face au même trimestre de l’année précédente. D’où les difficultés rencontrées par les promoteurs immobiliers.
Des tensions sur les marchés financiers
Ces mauvaises nouvelles ont crispé les investisseurs chinois au cours des dernières semaines.
L’indice Shanghai Composite a ainsi reculé d’environ 10% entre le 1 er janvier et le 5 février. Au 9 février, il affichait un repli de plus de 20% depuis le 31 décembre 2021 (sur deux ans et un mois).
En réaction, les autorités chinoises ont récemment déployé d’importantes mesures pour soutenir les marchés, dont une restriction des ventes à découvert et un renforcement des achats d’ETF sur les marchés actions chinois via le fonds souverain Central Huijin Investment. Le président Xi Jinping s’est directement impliqué dans les discussions visant à soutenir les places financières du pays, avec succès : les marchés chinois ont connu un rebond depuis le 6 février, avant de fermer pour les festivités du Nouvel An. Les cotations reprendront à partir du 19 février. À noter que les variations des places financières chinoises sont très peu corrélées à celles des places occidentales.
Des défis de long terme pour la Chine
Les difficultés que traverse l’économie chinoises sont à l’image des nouveaux défis auxquels le pays doit faire face. À commencer par un important défi démographique : depuis 2022, la population chinoise décroît, et les modèles prévoient une accélération rapide de ce mouvement au cours des années à venir. En cause : un taux de fertilité très bas, ayant chuté en 2023 à 1,07 enfant par femme en moyenne d’après les statistiques officielles. À ce rythme, la population chinoise reviendrait autour de 700 millions d’habitants en 2100, contre 1,4 milliard aujourd’hui.
Cette perspective ne ferait qu’accentuer le renversement de tendance sur le marché immobilier chinois. Alors qu’entre 2000 et 2017, le secteur tournait à plein régime pour pouvoir loger chaque année une population en croissance de 6 à 10 millions de personnes par an (phénomène doublé d’un fort exode rural), le pays risque désormais de faire face à une surabondance de biens déjà construits face au déclin démographique.
Difficile, dans ce contexte, de maintenir à long terme une croissance supérieure à celle des économies occidentales. Le tassement de la dynamique chinoise constitue-t-il un risque pour les autres pays du monde ? Nul doute que l’affaiblissement de l’économie chinoise n’est pas neutre, en particulier au sein du continent asiatique. Pour autant, les sociétés immobilières et financières chinoises restent peu connectées au reste du monde, en particulier vis-à-vis du monde occidental. Les faillites d’ores et déjà observées en Chine n’ont eu aucune répercussion notable aux États-Unis ou en Europe. L’absence de contagion semble donc vouée à perdurer.