La BCE lutte activement contre l’inflation, mais ne peut ignorer la dégradation de certains indicateurs économiques. Après de nouvelles hausses de taux attendues d’ici la fin de l’année, la banque centrale pourrait être sérieusement freinée dans son cycle de durcissement monétaire.
Au cours des derniers mois, la Banque centrale européenne a calqué sa politique monétaire sur celle de la Fed. L’institut de Francfort a ainsi remonté ses taux directeurs de 75 points de base en septembre, et pourrait réitérer cette décision les 27 octobre et 15 décembre prochains. Ce scénario amènerait le taux de dépôt de la BCE à 2,25% en fin d’année, contre 0,75% actuellement. D’autres hausses de taux sont attendues en début d’année prochaine : les anticipations de marché pointent vers un taux de dépôt proche de 3% au premier trimestre 2023.
Un risque grandissant de récession
Ce durcissement monétaire, bien qu’anticipé par les marchés, reste toutefois incertain. En cause : la dégradation continue des indicateurs économiques de la zone euro, notamment au cours des dernières semaines. Le PMI composite allemand est ainsi tombé à 45,7 points, un niveau nettement inférieur au seuil neutre de 50, traduisant la perspective d’un repli de l’activité dans les services et l’industrie. L’indice IFO du climat des affaires en Allemagne poursuit également sa chute. Le PMI composite de l’ensemble de la zone euro est tombé à 48,1 points, en zone de contraction. La perspective d’une récession se dessine. Le taux de chômage en zone euro reste bas (6,6%), mais ne baisse plus.
Autre sujet de préoccupation pour la banque centrale : sur les marchés obligataires, les écarts de taux d’emprunt s’accroissent entre les différents pays de la zone euro. Le taux à 10 ans italien s’approche des 5%, soit environ 250 points de base au-dessus du Bund allemand. L’an dernier, cet écart était de seulement 100 points de base.
Dans ce contexte, les attentes autour de la politique monétaire de la BCE évoluent vite. Un nouveau scénario se dessine : en cas de dégradation persistante des indicateurs économiques, la banque centrale pourrait opter pour des hausses de taux très limitées en 2023, voire faire une pause dans son cycle de remontée des taux après le mois de décembre, de manière à ne pas pénaliser excessivement l’activité économique.
Un exercice d’équilibriste face à la Fed
Aux États-Unis, la conjoncture reste au contraire bien orientée, du moins en ce qui concerne le marché de l’emploi. Dans ses derniers discours, Jerome Powell s’est montré attaché à réduire les tensions sur le marché du travail, dans un contexte où les offres d’emplois sont deux fois plus élevées que le nombre de chômeurs. Le phénomène se traduit par des pressions à la hausse sur les salaires, qui entretiennent à leur tour l’inflation. Le problème est loin d’être résolu : en septembre, le taux de chômage a encore baissé (3,5% contre 3,7% en août). La Fed semble donc vouée à conserver sa stratégie « dure » face à l’inflation.
Seul bémol pour la BCE : une divergence de politique monétaire avec la Fed au cours des prochains mois se traduirait par une nouvelle baisse de l’euro face au dollar. Or, une monnaie plus faible serait elle-même synonyme d’inflation plus forte. L’exercice d’équilibriste entre lutte contre l’inflation, soutien à l’économie et lutte pour soutenir la devise européenne serait donc de plus en plus complexe à mener pour Christine Lagarde.
L’équation pourrait toutefois être plus simple à résoudre en cas de réalignement des politiques monétaires. Malgré son volontarisme, la banque centrale américaine pourrait en effet voir elle aussi ses marges de manœuvre se réduire l’an prochain. L’économie américaine est entrée en récession technique au cours du premier semestre 2022 et la Fed reste attentive à l’effet de ses remontées de taux sur le secteur immobilier. Au point qu’après une année 2022 de fortes hausses de taux des banques centrales, l’année 2023 pourrait être celle de la prudence.