La réunion de la BCE du 14 avril et les déclarations de ses membres au cours des jours suivants confirment que la BCE souhaite accélérer la sortie de son plan de relance monétaire pour remonter ses taux directeurs dans la foulée.
En janvier, la Banque centrale européenne affirmait encore qu’aucune hausse de taux directeurs n’aurait lieu avant 2023. Ses achats d’actifs sur les marchés (« quantitative easing ») devaient quant à eux se poursuivre jusqu’en décembre 2022. Ces anticipations semblent désormais de lointains souvenirs. Rattrapée par l’inflation et la dévalorisation de l’euro, la BCE doit désormais agir plus vite que prévu.
Christine Lagarde prépare les esprits à une hausse des taux
À court terme, la banque centrale va commencer par réduire le montant de ses achats d’actifs sur les marchés financiers. La BCE a annoncé le 14 avril qu’après avoir procédé à 40 milliards d’euros d’achats en avril, ce montant sera ramené à 30 milliards en mai, puis 20 milliards en juin. L’institut de Francfort n’a pas communiqué sur ses intentions pour le mois de juillet, mais a prévenu que son quantitative easing (« Asset Purchase Programme », APP) devrait s’arrêter au troisième trimestre. Le scénario le plus probable est celui d’un arrêt de la relance monétaire au milieu de l’été, avec 10 milliards d’euros d’achats d’actifs en juillet, puis un arrêt complet de l’APP en août. Ce scénario a été publiquement soutenu le 21 avril par Luis de Guindos, vice-président de la BCE.
Le 14 avril, la BCE a également ouvert la porte à une phase de hausse de taux « quelque temps » après la fin du quantitative easing. Christine Lagarde a précisé le 22 avril qu’une première hausse lui semblait désormais très probable d’ici la fin de l’année. Si les estimations prudentes envisagent donc 1 à 2 hausses de taux (de 0,25% chacune) en 2022, le consensus de marché va quant à lui plus loin : le 22 avril, les anticipations reflétées par le marché monétaire européen correspondaient à 3 hausses de taux de la BCE d’ici la fin de l’année. Selon ce scénario, la banque centrale pourrait procéder à un premier relèvement de 0,25% en septembre ou octobre, puis un second de 0,50% (double hausse) en décembre.
Combattre l’inflation et éviter une chute de l’euro
La motivation de la BCE pour accélérer son resserrement monétaire tient bien sûr au niveau d’inflation, devenu problématique en mars (+7,4% sur 12 mois en zone euro). Mais ce n’est pas tout : le second enjeu est désormais d’éviter une dévaluation problématique de l’euro face aux autres devises mondiales.
Le faible empressement de la BCE pour remonter ses taux directeurs contraste en effet avec le volontarisme de la Fed (qui a commencé à relever ses taux en mars et devrait procéder à une double-hausse le 4 mai), de la Bank of England (déjà 3 hausses de taux depuis décembre 2021) et de la plupart des pays européens hors zone euro (10 hausses de taux en Hongrie depuis juin 2021). Ce « retard » de la BCE pèse lourdement sur la valeur de l’euro : la monnaie unique a ainsi chuté à une parité de 1,07 face au dollar, dans un contexte également marqué depuis 2 mois par la guerre en Ukraine. La chute de l’euro serait vouée à se poursuivre en l’absence d’alignement de la BCE sur les politiques monétaires plus restrictives des autres pays du monde.
On notera que la Bank of Japan (BoJ) connaît le même problème que la BCE : sa volonté de garder une politique monétaire très accommodante, à contre-courant des autres banques centrales, a largement participé à une chute du yen de plus de 10% face au dollar depuis le début du mois de mars. L’anticipation de politiques monétaires plus restrictives cette année s’est d’ores et déjà traduite par une hausse significative des taux sur les marchés obligataires. En-dehors des échéances à court terme (marché monétaire et segment souverain à moins de 2 ans), les taux négatifs ont désormais disparu des marchés obligataires. La poursuite de la hausse des taux permettra progressivement aux investisseurs de retrouver des rendements plus consistants sur les placements les moins risqu