Depuis le précédent Edi’taux publié mi-février, les taux se sont à nouveau orientés à la baisse :
- Eonia : -0,46 % (-1 bp)
- Euribor 3 mois : -0,47 % (-7 bp)
- Euribor 6 mois : -0,43 % (-9 bp)
- TEC 10 : -0,32 % (-17 bp)
Les actions marquent leur plus forte baisse de l’histoire
La vitesse de développement des nouveaux foyers de contagion du Covid-19 a pris de court le marché, qui a brutalement réalisé que cette crise ne serait pas sur le modèle de celle du SARS de 2003, et qu’une croissance des bénéfices en 2020 serait de moins en moins possible : l’année sera au mieux morose et au pire catastrophique.
La mise à l’arrêt de nombreux secteurs d’activité va nécessairement créer un fort tassement de la croissance, voire une récession de durée inconnue. Les entreprises les plus fragiles dans les secteurs les plus touchés pourraient ne pas s’en remettre.
La baisse des actions est phénoménale à la fois par sa rapidité (enchaînement de séances baissières sans répit) et par l’ampleur des variations journalières (-12 % sur le CAC le 12 mars !). Pour la plupart des marchés, la baisse dépasse celle de 2008, et les baisses quotidiennes sont les plus fortes enregistrées depuis le début du recensement des cotations.
Toutefois, rappelons que cette forte baisse fait suite à une année de hausse exceptionnelle : l’indice MSCI World dividendes réinvestis est simplement retourné à son niveau de début 2019 !
Le pétrole en chute libre
Dans un contexte de demande déjà très affaiblie, l’Arabie Saoudite et la Russie brisent la coordination de l’OPEP et continuent d’exporter un volume élevé, provoquant une brutale chute des prix du pétrole. Le Brent est passé de 65 $ en début d’année à 33 $ aujourd’hui. Cette baisse rend beaucoup de producteurs américains non rentables et attaque la solvabilité du secteur pétrolier et parapétrolier, et plus généralement sur le marché du crédit high yield américain. C’est aussi, évidemment, un facteur supplémentaire de déflation.
La Fed réagit par une baisse des taux surprise
La baisse des taux « hors calendrier » de la Réserve Fédérale américaine (-50 bp sur les taux directeurs, amenant le taux de base dans la fourchette 1,00 %-1,25 %) n’a eu qu’un effet très temporaire. Le marché attend davantage de baisses de taux lors de la réunion des 17-18 mars, et un éclaircissement sur le marché du repo (financement au jour le jour), en tension depuis des mois malgré les efforts de la Fed pour la liquidité à très court terme.
BCE : pas de baisse de taux, une action centrée sur le financement des entreprises
Lors de sa réunion de politique monétaire du 12 mars, la Banque Centrale Européenne a annoncé les mesures suivantes :
- Pas de baisse des taux directeurs : les taux de repo, de refinancement et de facilité de dépôt restent respectivement à 0,00 %, 0,25 % et -0,50 %,
- Baisse du taux de refinancement TLTRO pour la période juin 2020-juin 2021. En d’autres termes, la BCE abaisse le taux de refinancement pour les banques qui augmentent leur production de crédits aux entreprises. Cela garantit à la fois une disponibilité des crédits et un coût bon marché. Pour les banques qui jouent totalement le jeu, le taux pourra tomber à -0,75 % : elles sont littéralement subventionnées si elles prêtent aux entreprises,
- Renforcement temporaire des achats d’actifs obligataires (+120 milliards d’ici la fin de l’année) pour faciliter le financement du secteur privé et soutenir le marché secondaire des obligations,
- La BCE est prête à effectuer de nouvelles opérations de refinancements long terme (LTRO) si besoin « bien que le Conseil des gouverneurs ne voit pas de signes importants de tensions sur les marchés monétaires ou de pénurie de liquidités dans le système bancaire ».
Ces décisions ont été consensuelles au sein du conseil des gouverneurs, qui a également révisé à la baisse ses anticipations de croissance et d’inflation.
Le scénario anticipé par les marchés financiers (baisse d’au moins 10 points de base des taux directeurs) ne s’est pas réalisé, causant une déception assez amère et accélérant la baisse des marchés actions. On peut cependant imaginer que la BCE garde des marges de manœuvre pour une action ultérieure.
Le soutien monétaire se concentre donc sur le secteur privé : grandes entreprises (émetteurs d’obligations) et PME (via le financement bancaire).
Le soutien budgétaire en appui au soutien monétaire
Au-delà du soutien au crédit, la BCE appelle les États européens à l’action concrète, en rappelant que la BCE n’est pas en charge d’être pas la première ligne de défense face à la pandémie.
Pour Lagarde, la réponse doit d’abord être budgétaire : c’est aux États de profiter des conditions accommodantes créées par la BCE soutenir en urgence l’économie et les entreprises, quitte à faire passer le déficit au second plan. Face aux questions sur une éventuelle dérive monétaire, Lagarde a répondu qu’elle s’inquiéterait plutôt d’une réponse pas assez rapide et pas assez efficace.
Merkel a d’ailleurs adopté la même ligne de conduite, en se déclarant prête à revenir sur l’impératif du « zéro déficit » en Allemagne. Si cette position se confirme au-delà de la période de pandémie, ce serait un bouleversement de l’orthodoxie financière européenne telle que nous l’avons connue depuis les premiers efforts de convergences pré-zone euro.
Le contexte s’y prête : une crise économique exogène, des populations au chômage partiel, des PME affaiblies, et surtout des taux d’intérêt dérisoires dans la plupart des États. Mais c’est un sujet pour l’après-crise !
Quelles conséquences pour les entreprises et leur trésorerie ?
Les entreprises en difficulté de trésorerie seront soutenues par les banques. Les financements devraient rester abondants et très bon marché afin d’éviter une crise de liquidité : les banques sont plus que jamais incitées à prêter puisque la Banque Centrale les rémunère pour cela. En outre, BPIFrance a réactivé le plan d’urgence imaginé en 2008 avec une hausse du taux de garantie des prêts, tandis que le fisc et l’URSSAF ont annoncé qu’ils se montreraient accommodants sur les échéances provisionnelles.
Enfin, les banques françaises et les compagnies d’assurance sont en bien meilleur état que pendant la crise de 2008 et il n’y a pas lieu de paniquer quant à leur solvabilité. Leur rentabilité à court terme sera évidemment être affectée par le ralentissement économique mais elles restent particulièrement solides, les critères prudentiels ayant été fortement resserrés depuis ces 10 dernières années.