Comment en est-on arrivés là ?
Les taux étaient déjà dans une tendance baissière depuis des années mais la tendance s’est accélérée depuis quelques mois.
L’élément déclencheur a été une petite phrase de Mario Draghi, gouverneur de la Banque Centrale Européenne, qui a surpris le marché en promettant de nouveaux stimulus monétaires si l’inflation peinait toujours à atteindre sa cible de 2%.
Le marché anticipe donc une nouvelle baisse des taux directeurs ou un nouveau programme de rachat de titres obligataires. Ces deux actions auraient un effet baissier sur les taux longs, et coupent court à tout espoir de remontée des taux à un horizon proche.
Que signifie un taux 0% ou négatif pour une obligation ?
0 % est le taux observé sur le marché secondaire : c’est-à-dire que les obligations d’État françaises de maturité 10 ans s’échangent à un prix égal à la somme des coupons futurs et du capital remboursé à terme, sans aucune actualisation.
Par exemple, une obligation qui paye des coupons de 1% pendant 10 ans et rembourse le nominal à 100% au terme s’échange aujourd’hui à 110%, représentant un taux de rendement actuariel de 0% pour l’acheteur.
L’acheteur ne réalisera aucun gain avec cette obligation : les coupons et le remboursement à terme ne font que lui restituer son investissement « en différé ».
Il faudra attendre les adjudications de l’Agence France Trésor pour que l’État français entérine ce taux par des réels emprunts à 10 ans à taux 0%. Notons que l’État français émet déjà à taux 0% ou négatif sur des maturités plus courtes. La maturité moyenne de la dette française est de 8 ans.
Le taux d’une obligation peut-il aller plus bas ?
Oui, le seuil de 0 % n’est pas une barrière.
Le 10 ans français peut suivre la trace des obligations à 10 ans allemandes ou néerlandaises qui ont déjà franchi le plancher de 0 % et se traitent à taux négatif (-0,25 % et -0,15% respectivement).
En outre, les taux courts de la France sont négatifs depuis quelques années déjà (et s’enfoncent davantage aujourd’hui : le 2 ans s’échange à -0,68 %, le 8 ans à -0,20 %).
Par contagion, la baisse des taux Euro se répercute sur les autres courbes des taux. Le taux suisse est négatif sur toutes les maturités, de 1 jour à 30 ans !
Un taux négatif signifie que l’acheteur récupère, sous forme de coupons et de remboursement du capital, une somme inférieure à son prix d’achat. Il réalise une perte certaine s’il garde l’obligation à échéance.
Qui achète de telles obligations ?
Les obligations d’État sont principalement détenues par des investisseurs institutionnels, les assureurs par exemple. Ils peuvent les détenir soit par contrainte (respect de certains ratios), soit par anticipation que les taux iront plus bas, et donc que le prix des obligations se réévaluera.
Ces dernières années, la Banque Centrale Européenne a également acheté massivement des obligations d’État, ce qui a contribué à assécher le stock.
Quelles conséquences pour les placements de trésorerie ?
Les baisses de taux font la joie des emprunteurs et le malheur des placeurs.
La charge d’intérêt des États de la Zone Euro va s’alléger, les emprunteurs immobiliers vont bénéficier de taux encore plus bas, les entreprises emprunteront moins cher…
Côté placeur, cela se complique. On aura probablement un nouveau débat à la rentrée sur le taux du Livret A (0,75%) qui deviendra encore une fois trop élevé dans cet environnement. De même, le taux du fonds en Euros aura des difficultés à se maintenir au niveau de 2018.
Pour la trésorerie d’entreprise, plutôt indexée sur l’Eonia et l’Euribor que sur les obligations d’État, le travail sera plus difficile encore. Les opportunités sur les compte à terme qui ont fait le bonheur des trésoriers pendant des années seront probablement plus rares.
Cependant, dans un univers de taux durablement négatifs, nous estimons que ces produits, malgré des taux plus faibles, resteront les meilleures opportunités de placement pour la trésorerie d’entreprise. Mais plus que jamais, il faudra être réactif car ils seront particulièrement recherchés !
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