Depuis le dernier Editaux, les taux courts sont encore et toujours inchangés :
- Eonia : -0,36 %
- Euribor 3 mois : -0,32 %
- Euribor 6 mois : -0,27 %
Côté taux longs, le marché n’a pas attendu l’été pour se détendre : le 10 ans Français tutoie les 0,60 %, le bas de sa fourchette d’évolution sur les 12 deniers mois (0,55 % – 1%), et ce malgré la fin annoncée des opérations de soutien exceptionnel au marché obligataire.
Pourquoi une telle peine à remonter malgré le durcissement monétaire annoncé ? Le scénario que nous dessinons au fil des Éditaux depuis près d’un an reste d’actualité : les indicateurs macro économiques sont bons, la croissance mondiale reste bien enclenchée mais elle n’est que très légèrement inflationniste (en zone Euro du moins, aux États-Unis la situation est différente), et surtout, les régulières périodes volatiles tempèrent toute possibilité de hausse franche des taux longs.
Spéculations sur le Twist
Le marché s’intéresse désormais à ce qui se passera après la phase d’expansion économique. Comment la banque centrale européenne peut-elle gérer la prochaine récession alors qu’elle s’est engagée dans un programme de resserrement monétaire, et qu’elle ne peut ni baisser ses taux davantage, ni élargir son programme de rachat d’actifs ?
La réponse du moment provient d’une note de recherche de Morgan Stanley : le Twist !
Qu’est-ce que l’opération Twist ?
Pour le comprendre, il faut revenir 17 ans en arrière. En 2001, la Réserve Fédérale avait baissé drastiquement les taux directeurs, mais avait besoin des moyens supplémentaires pour soutenir l’économie.
Elle a alors mené une politique innovante, consistant à vendre des obligations du trésor courtes (moins de 2 ans) qu’elle détenait en portefeuille pour acheter des obligations plus longues (10 à 30 ans), contribuant à faire monter les taux courts et baisser les taux longs, ces derniers étant plus utilisés notamment pour les crédits immobiliers.
Le Twist est donc une opération destinée à aplatir de la courbe des taux souverains tout en conservant la taille du bilan constante.
Le Twist serait favorable aux obligations souveraines françaises
Une « Opération Twist » serait une première pour la Zone Euro. Mais contrairement à ce qui se passe pour la Fed, la BCE n’a pas une courbe des taux à sa disposition : il y a autant de courbes de taux que de pays émetteurs. Pour la BCE, toute intervention sur le marché obligataire doit donc s’accompagner de règles claires sur les clés de répartition des achats.
Or, compte tenu de la structure actuelle du bilan de la BCE et des émissions attendues, les principaux bénéficiaires d’une telle opération devraient être l’Italie et France. Les spéculations sur un Twist sont donc un facteur de soutien pour les émissions obligataires longues de ces pays, ce qui contribue à maintenir les taux longs à des niveaux bas, y compris en Italie malgré une situation politique toujours inquiétante.
C’est l’une des explication de la forte chute récente du taux à 30 ans de l’Etat français : 1,52% est un niveau particulièrement faible dans un contexte de hausse des taux attendue !
Comment profiter du Twist pour une trésorerie d’entreprise ?
Pour l’instant, ce Twist n’est que spéculation, et même si cette opération est utilisée, ce serait après la fin des rachats d’actifs de la BCE, fin 2019 ou en 2020. Mais ces spéculations ont une influence sur la courbe des taux, dans une situation où la pente était déjà faible.
Comment en profiter ? Tout ce qui augmente la duration des placements est une bonne idée : obligations longues bien sûr, mais aussi comptes à terme longs, bénéficiant d’une bonne progressivité des coupons futurs.
À plus court terme, un été chaud ?
L’été sera probablement plus chahuté que celui que nous avons connu l’été dernier.
L’intensification de la guerre commerciale a des fortes répercussions sur les marchés actions et un repli vers les obligations, contribuant encore à maintenir les taux bas. La situation italienne pèse également sur les rendements de l’OAT, qui bénéficie d’un statut de valeur refuge pour les investisseurs contraints à détenir de la dette souveraine européenne.
Enfin, les spéculations sur la fin de la période d’expansion économique, l’une des plus longues de l’histoire, devraient progressivement se faire une place dans l’esprit des investisseurs et inciter à la prudence sur les actifs risqués.
Ainsi, même si le niveau de 0,60 % nous semble constituer un plancher sur l’OAT, nous estimons toujours que les taux longs auront de grandes difficultés à augmenter significativement d’ici la fin de l’année.
Enfin, pour placer la trésorerie d’une entreprise, nul besoin d’attendre une remontée des taux : c’est aujourd’hui qu’il faut figer des taux intéressants sur les comptes à terme. Leurs taux sont équivalents ou supérieurs à une obligation longue de l’État français, avec l’avantage d’une garantie en capital à tout instant.