En quelques jours, la santé du secteur bancaire est revenue au centre de l’attention suite au
dépôt de bilan inattendu de la Silicon Valley Bank aux États-Unis. Malgré l’agitation des marchés,
la situation reste sans commune mesure avec la crise de 2008.
En France, son nom était jusqu’alors totalement inconnu. Et pour cause : la Silicon Valley Bank, qui
finançait principalement des startups californiennes aux côtés d’investisseurs en capital-risque,
était une banque régionale de taille « modeste » (moins de 250 milliards de dollars d’actifs) lorsque
sa faillite, survenue le 10 mars, a fait les grands titres du monde entier.
Des faillites bancaires américaines bien maîtrisées par les autorités de tutelle
La faillite de la SVB s’inscrit dans un contexte plus global de méfiance des investisseurs à l’encontre
des établissements les plus exposés aux cryptomonnaies et au secteur de la « tech » américaine,
dont le parcours a été chahuté sur les marchés en 2022. La faillite de FTX en novembre 2022 a
notamment provoqué d’importantes pertes pour la banque californienne Silverbridge, ayant
finalement annoncé la cessation de ses activités le 9 mars 2023.
C’est dans ce contexte que la Silicon Valley Bank, faisant également partie des banques régionales
californiennes orientées « tech », a commencé à faire l’objet de retraits de sa clientèle dès 2022.
En mars 2023, l’accentuation de la pression a amené la banque à vendre une part importante de
son portefeuille d’investissements obligataires pour récupérer des liquidités. Ce faisant, la banque
a encaissé une moins-value de 1,8 milliard d’euros, les bons du Trésor dans lesquels elle avait
investi ayant perdu de la valeur en 2022 à cause de la remontée des taux. De quoi provoquer une
défiance à l’encontre de l’établissement, l’empêchant de réaliser une augmentation de capital pour
compenser ses pertes. À court de liquidités face à des retraits de 42 milliards de dollars le 9 mars,
la SVB a été placée sous le contrôle de la FDIC, en charge de la garantie des dépôts aux États-Unis.
Dès le lendemain de ces événements, la Fed et la FDIC ont garanti que les dépôts placés à la SVB
seraient entièrement restitués à la clientèle, quel qu’en soit le montant. De quoi éviter tout risque
de contagion en empêchant que les difficultés de l’établissement impactent sa clientèle et se
transmettent à l’économie « réelle ». Les autorités américaines ont également choisi de fermer
Signature Bank, autre établissement lié au monde des crypto-monnaies, en assurant de nouveau
une restitution des dépôts de la clientèle. Cette gestion de crise rapide, voire « proactive » dans le
cas de Signature Bank, montre que les autorités américaines ont su tirer les leçons de la crise de
2008.
Notons que ces fermetures concernent uniquement des établissements bancaires régionaux,
fragiles car peu régulés, contrairement aux grands établissements américains et à l’ensemble des
établissements européens, soumis à des règles de gestion beaucoup plus strictes. Les grands
établissements américains comme JP Morgan Chase ou Bank of America s’avèrent même
« bénéficiaires » de cette crise, ayant connu un afflux de dépôts et de clients ayant fui les trois
banques en difficultés.
Une nervosité ayant touché l’Europe en dépit de la solidité des banques
Malgré ce constat d’une crise localisée et rapidement maîtrisée aux États-Unis, la nervosité des
investisseurs s’est transmise à l’Europe en se concentrant sur Credit Suisse, établissement ayant
réalisé d’importantes pertes en 2022 (7 milliards de francs suisses), également fragilisé par les
affaires Thiam, Archegos et Greensill au cours des trois dernières années. Du fait de ces récents événements, Credit Suisse a connu d’importants retraits de capitaux ces dernières années. Il aura
suffi de deux éléments pour renforcer la défiance autour de l’établissement à la mi-mars :
- l’annonce, le 9 mars, d’un report de publication de son rapport annuel 2022. Ce rapport a
finalement été publié le 14 mars, accompagné d’un commentaire sur l’identification de
faiblesses en matière de contrôle interne ;
- une déclaration, le 15 mars, du président de la Saudi National Bank (actionnaire de Credit Suisse), soulignant que la SNB ne participerait pas à une nouvelle augmentation de capitalde Credit Suisse si celle-ci devait avoir lieu, pour ne pas dépasser 10% de participation. Cette déclaration n’était qu’un rappel de la position de la SNB, déjà exprimée quelques mois plus tôt, mais passée inaperçue.
Credit Suisse a dès lors connu un fort recul en bourse, doublé d’une importante décote sur ses
emprunts obligataires. L’établissement remplit pourtant tous les critères réglementaires en matière
de ratios de fonds propres et de ratio de liquidité (LCR). De manière à couper court aux éventuelles
craintes relatives à la liquidité dont dispose l’établissement, la Banque Nationale Suisse (BNS) et
l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) ont réagi en un temps record en
accordant un prêt de 50 milliards de francs suisses à l’établissement dès le 15 mars au soir.
L’attitude de la Fed, de la FDIC, de la BNS et de la FINMA démontre la capacité des autorités de
régulation à déployer à tout moment les moyens nécessaires pour assurer la stabilité du système
bancaire. Cette approche avait fait défaut en 2008, mais permet désormais de limiter les risques de
contagion entre établissements et d’empêcher d’éventuelles répercussions pour la clientèle. Au-
delà de l’intervention des régulateurs, rappelons également que les réglementations adoptées
depuis la crise de 2008 ont permis de renforcer considérablement la solidité des banques
européennes, désormais solidement capitalisées, tout comme les grandes banques américaines.
Bien que l’ensemble du secteur bancaire ait été chahuté sur les marchés financiers au cours de la
semaine du 13 mars, les voyants restent donc au vert. Le repli des valeurs bancaires n’a fait
qu’annuler la hausse de janvier-février : à la clôture du 17 mars, sur les marchés actions, l’indice
des banques de la zone euro restait en hausse de 1% depuis le début de l’année.